Avant-propos
Tout le monde est vivant et en
bonne santé !
Quoique un peu dépité.
Le chien je peux pas dire, pas
l'air plus stressé que d'habitude.
Et le principal, le bateau est
sauvé.
Depuis maintenant (vendredi 18 à
13h), à priori on ne prend plus l'eau.
Enfin en théorie.
Là on est sur notre banc de
boue/sable, à attendre que la marée monte, afin de rejoindre un
quai, à quelques centaines de mètres. Le tout sans moteurs, donc
avec deux annexes. 3, en fait
Tout s'est bien passé hier, pas
de raison que ça change aujourd'hui...si le vent ne forcit pas
plus, évidemment.
Mercredi 16 octobre.
Partit en début de matinée de
notre emplacement au milieu du trou à cyclone qu'est Vuda Point.
Plutôt de bonne humeur, passé
une bonne soirée la veille avec d'autres navigateurs/trices.
Il fait juste un peu chaud,
complètement protégé du vent. Et les moustiques voraces.
On décide donc de s'extirper de
là, visant d'abord de se mettre juste devant le récif, à
l'extérieur.
1 fois.
2 fois.
3 fois, merde, pas moyen
d'accrocher correctement l'ancre, et le vent nous pousse vers le
récif.
Pas de soucis, on ira donc à Port
Denarau.
Meilleur emplacement de toute
façon pour nous, puisque nous voulons faire quelques courses de
produits frais pour les quelques jours qui nous séparent de notre
départ pour les Vanuatu.
2 heures plus tard, aux alentours
de 12h30, on y arrive.
On se met à l'ancre juste à la
limite du chenal, dans la mangrove, dans environ 2m de profondeur.
Colin restera à bord pendant que
l'on fera nos courses au marché de Nadi (+ des shorts). Tout juste
15h, tout est lavé, rangé.
On crève de chaud, contents de
lever l'ancre pour aller un peu plus au large, histoire de respirer.
Mauvaise visibilité entre nuages
et petites vagues, on arrive tout de même à contourner une petite
île et sa ceinture de corail.
D'après la carte, on est dans
une zone safe, 5m de profondeur, protégé par l'île du vent et des
vagues par la barrière de corail, nikel !!
Bonne bouffe (gratin de patates,
poulet épicé sur lit de tomates, oignon), ça manque juste d'un bon
pinard. Enfin, on peut pas tout avoir !
La nuit arrive tôt, vers 18h30,
le repas aussi.
Comme d'habitude, on se lance un
épisode de série ( ?Browking Empire?).
Avec un verre de Ti-Punch, à
siroter tranquillement, sous les Tropiques.
Jusqu'ici tout va bien.
Fin du 1er épisode.
Petite pause cigarette pour Colin,
moi pour pisser un coup.
On en profite pour admirer les
étoiles, le paysage...flouf....flouf...
« Strange, this sound »
« ha tiens ouais, comme de
petites vagues »
« Hmmmm... »
« Ho, Ho... »
A coté de nous, devant, à
gauche, des têtes de corail émergent de partout.
Putain c'est pas bon.
Branle bas de combat, tout le
monde dehors, on allume les lumières, lance les moteurs.
1ère tentative de remonter
l'ancre. Ha, ça a l'air bloqué.
Merde, pas moyen de se rapprocher,
et quand on tire, avec le vent on se fait déporter sur une tête qui
affleure la surface, à notre gauche.
Capitaine nous envois donc en
annexe et plonger pour remonter directement l'ancre à la main.
Ça devrait se faire sans trop
difficultés, il doit pas y avoir plus de 2,5-3m d'eau.
Sauf qu'il fait nuit, qu'on a
qu'une lampe waterproof, qu'il fait nuit, les requins, tout
ça...bref, plouf.
En fait pas si facile, l'ancre est juste le long d'un mur vertical de corail, à moitié en dessous.
Et le corail, ça coupe, ça
écorches, ça pique...
Finalement, David (ha oui, on a un
nouveau à bord, David donc, un autre Espagnol. Presque jeune, 37
ans;) ) tirera l'ancre de sous l'eau pendant que je la tracterai en
diagonale avec l'annexe, via un bout que l'on vient d'y accrocher.
Au bout de plusieurs minutes
d'effort, enfin, ça vient !!
Plus qu'à la remonter à la main
dans l'annexe, sacrément lourde tout de même !
Bon, on est décroché. Mais pas
question d'aller loin, de nuit et avec des cartes absolument pas
sûres (la plupart des derniers relevés sont ceux effectués par
Captain Cook (oui, oui, comme ta boîte de sardines dans ton frigo)).
On recule donc juste de plusieurs dizaines (centaines?) de mètres,
un petit tour en annexe avec la frontale, ça a l'air d'aller, pas
l'air profond, mais ça devrait le faire.
Plus qu'à remettre l'ancre dans
l'annexe et la porter plus loin, histoire d'éviter trop de manœuvres
hasardeuses avec le cata.
Quelques efforts plus tard, ça à
l'air de tenir, sauvés !
Et puis c'est le drame.
Enfin un parmi d'autres.
Le
récit qui va suivre risque d'être un peu confus, si c'est pas déjà
le cas. Mais je préfère livrer un témoignage rapidement, quitte à
le reprendre plus tard.
On touche, on racle, du corail de
partout, il doit être environ 22h30, 23h, la marée va donc
continuer à descendre un peu plus.
Bref c'est la merde.
Il nous semble que la porte de
sortie se situe plutôt derrière nous, moteur doucement, aidés de
l'annexe...pas moyen de vraiment bouger, de plus en plus de chocs, on
entend l'hélice tribord racler le corail, jusqu'à ce que le moteur
tribord s'arrête de lui même.
Et merde...un coup d'oeil au
moteur, hou putain, voie d'eau !
En quelques minutes, le
compartiment arrière et le moteur se retrouvent avec 20cm d'eau.
On est donc bloqués, sur du
corail (pas le coté babord, heureusement), de nuit, aux Fijis.
Take
it easy.
Le ciel est clair, à peine deux
jours avant la pleine lune, presque plus de vent, mer calme et
surtout, surtout, tout le monde est calme. On prend l'eau certes mais
la situation n'est pas catastrophique non plus.
Enfin pour l'instant ;)
« Don't worry kids, we can't
sink ! »
Ok Captain, mais vu que le niveau
monte sérieusement et que l'eau commence à dévaler du moteur vers
la cabine arrière, de la cabine dans la cuisine...jusqu'à la salle
de bain ; on va quand même tranquillement empaqueter nos
affaires sensibles. Electronique surtout, hop, tout dans le sac et
hop sur le lit.
Tain ça monte vite quand
même...ok, vite, on sort les maxi packs de canettes de coca, tout
l'équipement électroménager qui se trouve en bas des placards...
Détail, ça fait maintenant bien
30 minutes qu'on lance le message officiel PAN PAN par radio sur le
canal d'urgence...sans avoir une putain de réponse.
L'eau montant toujours, tous les
planchers se mettent à flotter, les canettes aussi et tout se qui se
trouve dans les fonds commence à gambader...le bateau se met à
pencher, lui aussi. De plus en plus d'ailleurs, ça fait bizarre sur
un si gros catamaran. C'est que je m'étais habitué à vivre à
plat moi !!
Ok, on attaque le MADAY
MAYDAY...quoi toujours rien ??
Ha si quand même, au bout de
plusieurs minutes, on a enfin une réponse.
Mais vu qu'on leurs dit qu'on est
pas en danger immédiat de mort, qu'on ne peut pas complètement
couler (étant donné les caractéristiques particulières du
matériel composant la coque), mais qu'on est quand même dans la
merde et qu'on apprécierait énormément un peu d'aide...bah ça n'a
pas l'air de beaucoup les agiter.
Changement de stratégie, on lance
quelques appels radio aux 2-3 gros bateaux à moteurs qui croisent
dans la zone (merci l'AIS). Ainsi que quelques coups de fil (merci
Vodafone Fiji) à port Danarau (à peine quelques miles à l'Est),
ainsi qu'à quelques boîtes privées de pompes (à eau), pilote...
Pendant ce temps, ça racle, ça
penche et surtout ça se remplit !!
Vite, les matelas dans le carré
central, en hauteur. Ainsi que toutes mes affaires (putain j'en ai de
partout), ou presque. Suivent tout l'électroménager que je
trouverai, quelques trucs sensibles...ce qui formera rapidement une
sorte de montage de bordel divers dans le carré.
Et puis...aux alentours de minuit
et demi - 1h, l'eau est environ au niveau du pont tribord extérieur,
voir sur le coin arrière droit. Ça penche sérieusement, le sol est
trempé, ça glisse, ça se casse la gueule, on est toujours accroché
au récif, malgré tout un système de bouts et de winchs, pas moyen
de se tirer vers l'ancre, le génois est installé mais n'aide pas
des masse...paf, un des tableaux électriques tribord (deux de chaque
coté) saute, ha bah on a plus de contrôles des moteurs. Ni tribord
(normal, il est complètement décalé, tourné, soulevé, noyé), ni
babord. Pas de bol, les contrôles primaires sont du coté humide et
esclave coté sec.
Accessoirement, on se relaie avec
l'autre crew depuis un sacré moment à pomper tout ce qu'on
peut...1L par seconde quasiement non-stop pendant 2h30, ça fait
combien de litres ?
Bref, c'est la merde.
Je ne sais pas à quoi j'étais
occupé, mais d'un coup j'entend une nouvelle voix au dehors.
Le temps de sortir, HO YEAH !!!
Mike, notre sauveur !!
Intéressé certes, mais quand
même, THANKS MATE !!
Proprio d'une boîte de location
de pompes à eau (entre autres restaurants, hôtels...), il a prit la
peine d'écouter son répondeur.
Et de venir à notre rescousse à
bord de sa petite vedette, 300hp derrière. Avec, surtout, deux
générateurs couplés chacun à une pompe, chacune un tuyau d'évacuation
d'1m d'un coté, de l'autre un long tuyau de 15cm de diamètres avec
au bout un filtre...chacune sortant 1 tonne d'eau par minute, puissant!
Bon, un peu galère à installer
sur le pont penché, trempé et le bateau bougeant, mais avec un
peu...beaucoup de motivation on les met rapidement en service
Hélas, rapidement, chacune à
leur tour, elles s'arrêtent. Il faut dire qu'en bas, c'est un sacré
bouillon qui se fait aspirer, les sacs en plastiques et les morceaux
de carton, canettes et autres bloquent souvent les filtres.
Mais bon, en à peine...disons ¾
d'heure – 1h, on voit le sol !!
Ainsi qu'un sacré jeyser qui sort
du puit du propulseur...forcément ça en fait des litres à la
seconde!
Suite à ça, plus la marée
montante, on sent qu'on se décroche « doucement »...
Ensuite je n'ai pas vu, suis resté
au dessus du moteur à tenir le tuyau d'évacuation au point le plus
bas du moteur, histoire d'aspirer le plus d'eau possible jusqu'à ce
que la pompe se remplisse d'air, s'arrête, le compartiment moteur se
remplisse d'environ 60cm, puis la pompe repars...
Ce qui comporte quelques
mouvements brutaux du tuyau..
Aux alentours de 4h du mat, on
m'extirpe vers l'extérieur...surprise, on est de retour à port
Denarau.
Manoeuvre sans moteur en longeant
un ponton en dur, éviter des poteaux en béton...ok, on est bons !!
1h de plus à vider le maximum
d'eau, recharger la pompe de temps en temps en essence (coup de bol
on avait fait le plein récemment), pour ne finalement n'en utiliser plus
qu'une, au bon régime afin qu'elle tourne continuellement.
Un sacré boucant, les voisins
apprécieront surement.
A 5h, Capitaine va pioncer
quelques heures, moi environ 1h30 pendant que l'autre veille, je le
relayerait à 7h...
La suite prochainement, samedi
« soir », à peine 21h je vais pas tarder à aller
pioncer. Réveil à 4h pour vérifier une (petite) fuite
récalcitrante.